Que veut dire pour nous : Ă©couter lâautre ?
Savoir Ă©couter, câest se mettre Ă la place de lâautre, totalement, entiĂšrement. Câest savoir entendre son Ăąme. Si vous le faites, dans ce silence profond, et si votre cogitation mentale sâest arrĂȘtĂ©e pour un instant, vous comprendrez alors ce que veut dire aimer.
Savoir Ă©couter, câest tout un art. On confond beaucoup de choses, on confond se taire et Ă©couter. Ecouter nâest pas se taire. Ecouter, câest se mettre Ă la place de lâautre, dans notre silence intĂ©rieur. Câest faire place nette au fond de nous-mĂȘme, pour que lâautre y prenne place. Savoir Ă©couter, câest faire abstraction de toute notre vie, de toutes nos souffrances, de nos inquiĂ©tudes ou de nos propres rĂ©actions et pulsions.
Ecouter, câest la premiĂšre notion dâaimer. Lâautre a quelque chose Ă vous dire, lâautre a toujours un tas de choses Ă vous apprendre. Lâautre, câest celui qui souffre. On est lĂ pour entendre ce quâil va nous dire mais nous savons dĂ©jĂ quâil ne nous dira pas ce dont il souffre. Il nous dira tout un tas de choses qui sont Ă la surface de lui-mĂȘme, il pourra exprimer ce qui dĂ©borde mais le secret de son Ăąme, le profond de sa souffrance, nul ne pourra y puiser si nous ne savons lâaimer. Il ne pourra nous dire toute sa souffrance que si nous savons faire silence en nous-mĂȘme, si nous savons Ă©couter, non pas en vous disant au fond : « Oui, je sais, il me lâa dĂ©jĂ dit, je connais le problĂšme⊠» Non ! Ce nâest pas cela, Ă©couter.
Ecouter, câest savoir que vous ne connaissez pas lâautre, vous ne connaissez rien de lui. Vous ne le connaissez pas puisque vous ne lâentendez pas. Entendre, ce nâest pas seulement entendre le son de sa voix. Entendre et savoir Ă©couter, câest entendre ce silence entre deux ĂȘtres, dâĂąme Ă Ăąme. Câest entendre la vibration de son Ăąme comme un Ă©cho de la nĂŽtre. Câest savoir que dans ce silence, quand deux ĂȘtres sont lâun en face de lâautre, et que lâun vient dĂ©verser ses douleurs vers lâautre, il nâest dĂ©jĂ plus lui-mĂȘme, et nous devons lâaccueillir ; nous devons ĂȘtre lĂ , prĂȘt, les mains tendues, le cĆur ouvert, parce quâil ne saura nous dire quâune faible partie de ce quâil est. Mais câest Ă nous de faire la dĂ©marche pour entendre ce quâil ne dit pas.
Combien de fois ai-je entendu des bavardages ! Vous expliquez et vous redites aux autres ce que vous avez entendu dâune tierce personne. Câest grave dans la conscience de lâhomme car il vous a confiĂ© ses secrets. Pourquoi les rĂ©pĂ©tez-vous aux autres ? Pourquoi ces bavardages inutiles qui vous usent et dĂ©truisent ? Car vous le savez bien, ensuite vous ne pouvez pas ĂȘtre en paix avec vous-mĂȘme. Vous avez une angoisse qui se loge lĂ , au creux de vous-mĂȘme, au fond de votre Ăąme. Nous ne sommes pas Ă lâaise avec nous-mĂȘme, nous avons trahi une confiance.
Nous devons respecter lâautre, dans les mots les plus banals quâil nous a dits. Câest sa vie, ce nâest pas la nĂŽtre ; et sa vie, câest sacrĂ©. Tout ce quâil nous dit lui appartient en propre. Parfois, cette personne nâa rien dâautre que sa vie, son vĂ©cu, son histoire et en quelques minutes, on a dĂ©truit ce qui aurait pu ĂȘtre construit parce que nous ne faisons pas une dĂ©marche dâamour.
Savoir Ă©couter, câest se mettre Ă la place de lâautre totalement, entiĂšrement. Câest savoir entendre son Ăąme. Si vous le faites, dans ce silence profond, et si votre cogitation mentale sâest arrĂȘtĂ©e pour un instant, vous comprendrez alors ce que veut dire aimer. Au moment oĂč on entend lâĂąme de lâautre qui vibre prĂšs de nous, on a envie de la prendre dans nos bras, de lui tĂ©moigner notre amour mais câest un peu comme un oiseau sauvage : si on fait un geste brusque, il sâenvole. Essayons dâapprivoiser cette Ăąme. Câest par une douceur infinie que nous arriverons Ă ce quâelle vienne tout doucement se couler entre nos mains.
Câest pourquoi ne jugez pas dâaprĂšs les apparences. Ne traitez pas les gens de « lĂ©gume » parce que vous avez lâimpression quâils nâont pas lâintelligence que vous auriez aimĂ©e. Qui se cache derriĂšre ce front tĂȘtu ou ces yeux glauques, ou cette voix Ă©raillĂ©e ? Câest une Ăąme qui se cache, une Ăąme qui a tout un vĂ©cu derriĂšre elle et qui est venue vous tester souvent Ă travers sa propre laideur apparente. Elles sont souvent lĂ pour que vous puissiez juger, jauger ou analyser. Ne le faites surtout pas ! Vous jugez Dieu et vous vous jugez vous-mĂȘme.
Vous vous condamnez lorsque vous jugez car dĂšs lâinstant oĂč une Ăąme se sent jugĂ©e elle est amoindrie, elle est triste, sa vibration ne passe plus. Câest une lumiĂšre qui sâĂ©teint. Nous nâavons pas le droit de dĂ©truire quelquâun. Ne jugeons pas, nâanalysons pas dâune façon psychologique tous nos faits et gestes de la vie. Essayez de construire autre chose Ă travers cet amour, cette condition humaine qui est supĂ©rieure Ă tout autre. Tous les ĂȘtres quâon aurait pu juger apparemment indignes de nous, parfois, souvenez-vous de ceci : ils vous dĂ©passent de cent coudĂ©es.